Les tricoteuses de métal n°1

Les tricoteuses de métal: La mailles quasigaînée

Après la cotte de maille telle que tout le monde la connait, un autre type de maille moins usité...

La maille quasigaînée, est représentée, ou du moins semble représentée sur de nombreuses sculptures médiévales, et apparaît sous la forme de lignes d'anneaux ou de disques de métal se chevauchant séparés par de fin bourrelets. Il n'y a, à mon humble connaissance, aucun échantillon archéologique de ce type de maille pouvant prouver sa réalité historique ni indiquer sa constitution et son mode de fabrication exact.

Certains historiens pensent même que cette maille n'aurait jamais existé, et ne serait qu'une convention artistique des sculpteurs du temps, ou la marque du peu de talent de ceux ci pour représenter la maille treslie. Mais, comment alors expliquer que certaines sculptures montrent cote à cote des personnages présentant ces deux types de mailles ?

Mais pour avoir une raison de continuer cet article, admettons l'existence de la mailles quasigaînée ("banded mail" en anglais;peut être la "besongne quasiguesnée" des statuts de maîtres armuriers du XIVe siècle). Et après avoir observé les différentes interprétations de vrais historiens, je vous présenterais modestement la mienne, qui avantage indéniable, sur la maille classique est plus rapide à réaliser.

Commençons par ce qu'en pensait un grand ancien; Viollet le Duc : Pour lui, Sur une peau, on posait une forte toile de couleur vive. Puis l'on appliquait les anneaux l'un contre l'autre. Afin de les fixer à la toile et au cuir, on passait une lanière en leur milieu que l'on cousait entre chaque anneau. Pour empêcher ceux ci de se mettre de champ, on plaçait deux cordonnets sous la toile; un venant caler les anneaux par dessous la toile, contre le cuir; et le deuxième venant en avant d'eux les bloquer en formant un bourrelet qui permet de voir la toile entre chaque rang d'anneaux.

Un auteur anglais, lui imagine une méthode assez similaire de conception, où le tissu est appliqué sur la partie externe de l'ouvrage et les anneaux fixés au cuir par une simple couture au lieu d'utiliser l'intermédiaire d'une lanière.

Waller, un autre anglo-saxon voit lui une méthode on ne peut plus simple de fabrication : de simples chaînes posées parallèlement et maintenues ensemble par des bandelettes.

Liliane et Fred Funcken, eux proposent l'utilisation de disques de métal en guise d'anneaux; ceux ci percés de deux trous, sont cousus sur le tissu de support de manière à se chevaucher et former des alignements. Là aussi, comme chez Viollet le Duc, ils placent une cordelette permettant de former un bourrelet devant les "mailles", mais ici il permet non pas de bloquer les anneaux en position, mais de masquer et protéger les coutures assurant la cohésion de l'ensemble.

Nous pouvons constater que dans la plupart des interprétations, ce type de maille, semble offrir une bonne protection contre les coups de tailles, mais aussi, contrairement à la maille classique d'être presque imperméable aux coups d'estoc.

Pour ma part, je commence comme pour la fabrication de la mailles classique par la constitution de ressorts (voir n°0) puis au moyen d'un marteau, j'aplatis doucement ces ressorts, sans les écraser afin d'obtenir des bandes ressemblant à des anneaux posés l'un sur l'autre.

Prenez maintenant (ou fabriquez) le vêtement qui servira de support à la fabrication. Si par exemple, vous désirez vous fabriquer une chemise de maille; utilisez un sweat-shirt comme patron de base de l'ouvrage. Qu'importe l'aspect pourvu que vous ne soyez pas du tout à l'étroit dedans (sinon quand vous aurez fini, vous ne pourrez jamais enfiler votre cotte). Recopiez la forme du vêtement sur du papier. Posez ce patron bien à plat, et coupez puis disposez les bandes d'anneaux par dessus, afin de recouvrir exactement celui ci avec elles. Vous pouvez disposer ces bandes verticalement ou horizontalement selon votre goût, ces deux dispositions se rencontrant dans les représentations. Si vous choisissez la disposition horizontale, coupez des bandes d'anneaux deux fois plus longues que nécessaire, celles ci devant alors couvrir le devant et le dos des manches ou de la chemise, pour le moment, pliez les en deux.

Afin d'obtenir un effet plus décoratif, vous pouvez alterner des bandes de différents métaux (laiton, cuivre et fer) voir pour une même "bande" utiliser différents morceaux afin de pouvoir obtenir un motif héraldique par exemple. A ce moment là, préparez en le dessin sur le patron avant de commencer à disposer les bandes de métal.

Maintenant, il faut assembler le tout, en cousant une à une les bandes métalliques sur du tissu. Si ce dernier ne changera pas de dimensions dans le sens ou seront appliquées les bandes annelées, il pourra aller jusqu'a diminuer de moitié dans le sens perpendiculaire à ces mêmes bandes en raison des bourrelets qu'il y aura entre chacune d'elles. Il convient donc de ne pas coudre directement le métal sur le vêtement de départ, mais sur un tissu qui au fur et à mesure de l'évolution du montage en deviendra la réplique doublée de métal.

Cousez la première bande de mailles juste sur le bord du tissu, en prenant soin de ne pas fixer les mailles par leur milieu, mais sur leur coté. Suivant la solidité de votre fil, vous pouvez faire des points plus ou moins grands, il est peu nécessaire pour l'esthétique finale de faire un point par boucle de métal, ce serait plutôt une perte de temps.

Maintenant, et pour les autres bandes, procédez comme suit : à quelques millimètres de la bande d'anneaux (à ajuster en fonction de la taille de vos anneaux) faites un fin ourlet en emprisonnant une cordelette de 2-3 mm de diamètre du coté intérieur, tout en y cousant le coté de la première bande non encore lié,

et de l'autre coté du bourrelet, fixez en même temps une nouvelle bande disposée en sens inverse. Là aussi, inutile de fignoler, faites des points assez espacés. Le bourrelet de tissu coinçant la cordelette doit masquer totalement le fil de couture. Procédez ainsi jusqu'a avoir cousu toutes les bandes posées sur votre patron. Pour finir, emprisonnez une nouvelle cordelette dans un ourlet, en attachant ainsi le dernier bord de la dernière bande d'anneaux, puis coupez le tissu restant pour finalement fermer l'ouvrage, en cousant la première bande au dernier ourlet; après avoir cousu soigneusement entre eux les deux bords du tissus ensembles.

Pour des formes compliquées, procédez par étapes: faites des morceaux de maille quasigaînée que vous assemblerez par la suite a votre convenance. Suivant les formes, vous pourrez avoir besoin de laisser des ouvertures dans la maille, afin de pouvoir enfiler le vêtement. Pour des manches assez ajustées par exemple, comme sur une chemise normale, prévoyez des fentes au niveau du poignet (que vous pourrez ensuite refermer par une patte de tissu et un bouton; une lanière et une boucle; ou encore une bande Velcro(tm)).

Une fois votre ouvrage terminé, il doit présenter un aspect plat, et quand vous tentez de l'enfiler, les bandes métalliques doivent, en persistant à garder leur forme droite, vous écraser un peu. Qu'a cela ne tienne, si vous y arrivez, sortez donc de là dedans. Et tordez les bandes de mailles afin de donner comme forme de base au vêtement celle qu'il devra avoir quand vous serez à l'intérieur.

Les feignants, ou ceux désirant juste décorer leur costume, pourront bien sur se contenter de quelques morceaux de maille, sous forme de bracelets, épaulieres, ou cubetieres par exemple.

Merci à Alexis Barquin
Bibliographie:
Encyclopédie médiévale de Violet le Duc éditions inter livres;
Le costume l'armure et les armes au temps de la chevalerie par Liliane et Fred Funcken éditions Casterman;