Les tricoteuses de métal n°0

Comment ne pas commencer par le sujet titre de la revue ? Les "tricots" de métal, ou plutôt les cottes de mailles . Mémé Gwenn nous dit tout...

Historiquement, la cotte de mailles, ou broigne treslie, appelée lorica hamata par les romains, aurait selon eux été inventée par les gaulois. A la chute de Rome, cette technique est en grande partie oubliée, la plupart des tribus barbares délaissant les protections métalliques. Elle persista cependant en Europe quasi confidentiellement, en équipant de rares élites. Les broignes d'écailles restant les plus répandues, étaient plus protectrices bien que plus lourdes et encombrantes que la maille.

Cependant, les croisés redécouvrirent ce type de vêtement de protection lors de leurs expéditions, et adoptèrent cette armure légère et aérée, si pratique sous le soleil de plomb cuisant les lieux saints. De plus, la faiblesse de la maille face aux charges à la lance, et aux armes contondantes, était fort agréablement compensée par le fait que les ennemis des croisés n'utilisaient tout simplement pas ce type d'armes, ou très peu.

D'abord d'un coût fort élevé, le XIIIe siècle voit l'invention de la tréfilerie qui la met ainsi à la portée des plus modestes combattants et la démocratise. De plus contrairement à des broignes d'écailles ou d'autres protections métalliques, la broigne treslie se répare aisément, et peut s'adapter facilement d'une morphologie à une autre, par l'ajout ou le retrait d'anneaux.

Sa grande faiblesse restait toujours contre les pointes d'armes blanches qui forçant ou traversant les anneaux rendaient son porteur vulnérable. Des armes telles que la dague appelée miséricorde, se spécialisèrent dans cette tâche, en présentant une pointe spécialement renforcée à cet effet.

Les anneaux furent très rapidement rivés et/ou soudés, afin d'éviter de s'ouvrir, puis le diamètre des mailles diminua de 1 cm à 5 mm approximativement, pour un diamètre du fil de deux mm environ. Puis afin de consolider encore les anneaux, et diminuer le jour entre eux, ils furent aplatis au marteau. Certains artisans, profitèrent d'ailleurs de cette surface plane, pour signer leurs réalisations tel Berthold Von Parte sur une cotte en cuivre datant de la fin du XIVe s. L'Allemagne notamment connut de nombreuses cotes non pas en fer mais comme celles que faisait Herr Von Parte, en cuivre, ou en laiton; certaines cotes mélangeant les métaux. Que ce soit à titre décoratif comme pour le jaseran exposé au Louvre, ou encore pour représenter des motifs héraldiques tels les cotes des Clibanaires Sassanides du troisième siècle.

Nous étudierons les autres types de mailles (pleine; quasigainée; juxtaposée) dans d'autres numéros, pour le moment voyons comment fabriquer une cotte de mailles treslie.

A titre indicatif pour un simple t-shirt de mailles d'un diamètre interne de 1,2 cm, il vous faudra assembler un peu plus de 11000 anneaux qui vous demanderont chacun une quinzaine de secondes de votre temps pour être fabriqués et assemblés, soit un peu plus de 45 heures de travail. Alors vous êtes toujours partant ? Bien, pour celui qui reste, je continue. Ses béquilles lui seront rendues après.

Pour faire des anneaux, il faut déjà commencer par trouver du fil approprié on trouve facilement du fil de fer en bobines de cinquante mètres dans les magasins de bricolage, ou de jardinage. Pour des raisons de coûts, préférez les grandes surfaces possédant des rayons bricolage comme par exemple ceux aux alentours du Pont Neuf ou de l'Hôtel de Ville à Paris. Choisissez de préférence du fil galvanisé, car il s'oxyde moins facilement.

Du diamètre du fil dépendra la solidité que vous conférerez à votre cotte, en fonction du diamètre des anneaux que vous réaliserez. Ne prenez pas de fil de section inférieure au dixième du diamètre de vos anneaux, car ils seront trop mous pour être solides. En effet, votre cotte n'hésiterait pas à se désassembler sous l'effet de son propre poids. Ne prenez pas un fil trop gros que vous ne pourrez manipuler à la main, tout de même; c'est tellement mieux pour limiter les ampoules. Enfin c'est vous qui voyez.

Or donc, après le fil il faut maintenant constituer les anneaux. Tâche finalement assez simple, et pouvant se faire en "temps masqué", machinalement en regardant la télévision ou en lisant par exemple. Vous devez vous munir d'une barre rigide d'un diamètre correspondant à celui de vos anneaux. Vous n'avez plus qu'à enrouler le fil sur la tige, afin de constituer un ressort, le plus régulier possible afin d'obtenir des anneaux ronds et semblables. Les impatients peuvent éventuellement gagner du temps, en enroulant le fil, autour d'une mèche de perceuse en activité; mais de grâce faites alors très attention.

Maintenant que vous avez transformé votre bobine en ressort, il faut découper les anneaux. Pour cela, le plus simple est l'utilisation d'une pince coupante pour séparer les spires.

Une fois les anneaux obtenus, vous pouvez procéder à l'assemblage. Mais certains préféreront limer et aplanir les points de section des anneaux. En effet, la coupure à la pince laisse des sections biseautées qui peuvent entraîner le désassemblage d'anneaux, si les points de fermeture de deux anneaux se retrouvent face à face. Une section franche et plate élimine ce problème.

Les courageux peuvent aussi souder les fermetures des anneaux, un bon fer à souder faisant parfaitement l'affaire, voire même, river les anneaux. De nombreuses cotes d'époque présentent une moitié d'anneaux soudés, pour une moitié d'anneaux rivés; les anneaux rivés liant ceux déjà définitivement fermés.

L'assemblage peut nécessiter l'utilisation d'une ou de deux pinces plates, pour les anneaux en fil de section importante. Les anneaux sont assemblés en quinconce comme indiqué ci dessous.

Il est plus aisé de progresser en lignes horizontales ou diagonales que verticales. Veillez bien au sens des anneaux, c'est à dire comment ils se présenteront sur la cotte finie. Ils ne doivent pas pouvoir accrocher et retenir une lame d'épée tombant verticalement, mais au contraire, la laisser glisser. De plus ainsi, le vêtement, peut facilement s'élargir de lui même, pour être mis et enlevé facilement. Du reste, faites le corps de la cotte cylindrique et assez large pour inclure vos bras et votre torse.

La forme de cette broigne, est au début, notamment dans les légions romaines, celle d'un long T-shirt descendant à mi-cuisses, sans manches mais présentant d'éventuels renforts de mailles sur les épaules, le haut des bras étant protégé par des bandes de cuir. Les manches, très courtes ne protégeant que l'épaule, apparurent à la même époque, puis vinrent peu après les longues protégeant tout le bras.

La longueur des manches varia fréquemment, suivant les époques, les régions et la mode. D'inexistantes, elles atteignirent la longueur totale des bras incluant même des moufles vers la fin du XIIe s. Ces moufles n'étaient souvent de mailles que sur leur partie extérieure, l'intérieur étant en cuir. De plus pour des raison évidentes de confort, ils n'étaient pas solidaires de la chemise au niveau de l'intérieur du poignet, et pouvaient êtres enlevés aisément sans ôter la protection de mailles. La chemise descendit jusqu'au niveau du genou, voire encore plus bas, et pour conserver l'aisance du mouvement, la jupe de la cotte fut fendue verticalement, généralement à partir de la mi-cuisse devant et derrière, pareillement et quelques fois sur les côtés.. Parfois le camail de mailles (cagoule) fut intégré à ce vêtement, mais était le plus souvent rapporté.

En dessous de la protection des mailles, était porté un gambison rembourré destiné à amortir les coups, qui en cas d'armes lourdes pouvaient facilement casser les os. Par la suite, des protections de plates furent ajoutées, afin de mieux protéger contre les chocs. Elles apparurent d'abord pour le torse, puis sur les bras, avant de s'agrandir et devenir les armures complètes et antropomorphes. Cependant au Proche Orient et en Europe de l'Est, la cotte de maille, appelée ici jaseran persista jusque tardivement dans le XVIIe s. Le Proche Orient, se montra inventif tant dans le mélange des couleurs de métaux que dans les motifs d'assemblages des anneaux, adoptant des "points" différents, à l'aspect décoratif.

L'Extrême Orient n'utilisa que très peu la maille de fer, réduisant son utilisation comme sur les armures japonaises à la protection des articulations mal assurée par les armures d'écailles.

Bibliographie:
Encyclopédie médiévale de Violet le Duc éditions inter livres;
Le costume l'armure et les armes au temps de la chevalerie par Liliane et Fred Funcken éditions Casterman;
Armes et armures collection les yeux de la découverte Gallimard;
Men at arms 243 Rome's enemies 5 The desert frontier, 150 the age of Charlemagne, 184 Polish armies 1569-1696, Elite series 23 The samurai Osprey;
Uniformes n°80 et 117